TARTARAS
D'après les actes paroissiaux 1673-1792

 

Annexe I

Jean BRET, le riche marchand-meunier du moulin Glatard.

Je dédie ces pages à Dominique, ma tendre "fenotte" (1)
et à tous ses cousins qui, comme elle, descendent
de ce personnage bien intéressant.
Marc Rochet, janvier 2008

 

 

 

Fils d' Estienne BRET marchand du Bourg de Dargoire (+ 22/04/1708) et de Marie PINAY (+ 24/09/1680), Jean Bret est né à Tartaras aux alentours de l'année 1665. On lui connaît quatre frères et deux sœurs. Son grand père Estienne était aussi marchand au Bourg de Dargoire et son arrière grand père Philibert, vraisemblablement mort vers 1635, était boulanger à Dargoire.

BRET Etienne
DECES 22/04/1708 TARTARAS

Le vingt deux avril mil sept cent huit décéda Estienne BRET marchand du bourg de DARGOIRE paroisse de TARTARAS aagé d’environ septante cinq ans et après avoir reçu tous les sacrements et fust enterré à DARGOIRE son cadavre ayant été porté et présenté dans l’église dudit TARTARAS dans le bourg accompagné jusqu’au dit DARGOIRE suivant et conformément à l’ordonnance que je suivis le dit entièrement fait le vingt quatre dudit mois présents Estienne VILET ? François DESVIGNES Simon VALUIS…
(Photo acte : Généagier Tartaras 303)

BRET Etienne DECES 23/04/1708 DARGOIRE
Etienne BRET habitant de la paroisse de TARTARAS décédé le vingt troisième de ce mois après avoir reçu tous les sacrements a été enterré ce jourd’hui vingt quatrième avril mil sept cent huit dans l’église paroissiale de DARGOIRE avec les cérémonies prescrites dans le rituel de ce diocèse pour les enterrements de ceux qui meurent dans la communion de cette Eglise.

PINAY Marie DECES 24/09/1680 TARTARAS

Le vingt quatre septembre mil six cent huictante est décédé honneste Marie PINAY femme de Sieur Etienne BRET marchand du bourg de DARGOIRE paroisse de Saint Pierre de TARTARAS aagée d’environ cinquante ans munie en bonne chrétienne et catholique des SS sacrement et a été ensevelie dans l’église de notre Dame de DARGOIRE par la permission et la présence de moy curé de TARTARAS soussigné
(Photo 78)

C'est donc à Dargoire, leur paroisse d'origine, que les parents de Jean furent enterrés. La famille, certainement aisée, avait son caveau dans l'église Notre Dame de Dargoire elle-même.

Nous savons que les maisons de Dargoire et celles du Bourg de Dargoire, ces dernières appartenant à Tartaras, ne sont séparées que par le ruisseau du Lozange, aujourd'hui canalisé sous la route…

Le 13 février 1690, Jean BRET épousa Jeanne LAURENSON et ce fut un "beau mariage" : Cet "honneste" fils de "Sieur" Estienne BRET marchand épousait la fille de "Sieur" Philippe LAURENSON, marchand meunier du moulin Glatard.

BRET Jean - LAURENSON Jeanne MARIAGE 13/02/1691 TARTARAS
Le treizième février mil six cent nonante un je soussigné curé de St Pierre de TARTARAS ay imparti la bénédiction nuptiale à honneste Jean BRET fils de sieur Etienne BRET marchand du bourg de DARGOIRE et à Jeanne LAURENSON fillelégitime de Sieur Philippe LAURENSON aussi marchand meunier du moulin Glattard même paroisse après les trois publications sans aucun empechement en présence des soussignés
(Photo 159)

Par ce beau et riche mariage, notre Jean BRET, qui semble-t-il ne manquait pas d'ambition, prenait une place confortable dans la vie adulte et dans le cercle des personnalités nanties de la paroisse de Tartaras.

Il devenait "marchand meunier" et son beau-père qui habitait le moulin Glatard, installa le jeune couple dans un autre moulin de ses propriétés, le moulin du pont de Persey et c'est là que naquirent les 6 premiers enfants de Jean et Jeanne :

- Pierrette le 29 février 1692 (mariée le 24/01/1713 à Tartaras avec Charles BOIRON et décédée le 18/11/1760).
- Philippe le 20 octobre 1693 (marié le 21 juin 1717 à Saint Maurice sur Dargoire avec Colette DURAND et décédé le 2 octobre 1722 à 28 ans)
- Antoine le 22 juillet 1695.
- Charlotte le 21 octobre 1696.
- Estienne le 29 janvier 1699.
- Catherine Thérèse le 18 novembre 1700.

Les 7 autres enfants de Jean et Jeanne naîtront au moulin du Pont de chez Glatard :

- Jean-Marie le 8 janvier 1703
- Ennemond vers 1704.
- Philippa le 27 octobre 1705 (mariée le 8/02/1723 à Tartaras avec Jean-Baptiste BROSSY et décédée le 4/12/1740 à St Paul en Jarez).
- Laurent le 15 décembre 1707 (marié le 26 janvier 1734 à Tartaras avec Jeanne Marie BROSSY et décédé le 30/12/1789 à Tartaras).
- Jeanne le 7 novembre 1711.
- Estienne le 27 novembre 1713 (décédé le 1/12/1713)
- Marguerite vers 1715 ? (mariée le 3/06/1738 à St Paul en Jarez avec Antoine BROSSY)

Sur les onze enfants connus de Jean et Jeanne nous ne trouvons à Tartaras que neuf actes de baptême.

On peut supposer que Ennemond était plus âgé que Laurent puisque, étant prêtre, c'est lui qui le marie, aussi est-il probablement né en 1704, année de lacune dans les registres… On peut penser aussi que Marguerite était la dernière et la situer vers 1715 car son mari, Antoine BROSSY, est né en 1713.

Que sont devenus les enfants dont nous ne connaissons que la date de naissance ? Je ne le sais pas…

L'habitation du moulin Glatard était-elle plus confortable que celle du moulin du Pont ?... En tout cas la suite montre qu' elle fut toujours le lieu de résidence des parents, tandis que le moulin de Perceÿ était, jusqu' au décès des parents, la résidence du couple de l'enfant appelé à prendre la suite du père et donc à déménager ensuite chez Glatard…

Par son mariage et ses activités Jean BRET se trouvait à la tête d'un patrimoine important comme en témoigne, en 1718, le dénombrement de ses biens accompagnant le texte de sa réception au nombre des bourgeois et habitants de la ville de Lyon :

Aux ARCHIVES DE LA VILLE DE LYON : BB 452 folio 230 15/07/1718 (bobine 189)
Aujourd'hui vendredy quizième juillet mil sept cent dix huit Sieur Jean BRET natif de la paroisse de TARTARA en lyonnois pour satisfaire aux conditions de l'acte qu'il vient de faire au Consulat pour acquérir le droit de bourgeoisie en cette ville de LION a donné à messieurs les Prévots des marchand et Echevins de cette ville le dénombrement des fonds qu'il possède en la paroisse de TARTARA, élection de Saint Estienne ainsy qu'il suit
Premièrement un domaine consistant en maison, grange, étable, cave et cellier avec un moulin batoir, gausson (?), pressoir à huile un jardin, vigne, hermier (?), terre et pré le tout joint ensemble de la contenue de soixante métérées environ
Plus une terre située au territoire de la Molarie de la contenance de six métérées
Plus un, pré au territoire de Font Saint Martin contenue de trois métérées
Item une terre au territoire de Journoud d'environ trois métérées
Plus deux terres, bois et pré de la contenue de trente métérées
Plus une terre située au territoire de la Croix des Rameaux d'environ six métérées
Plus une terre et vigne au territoire de Fay contenant en tout vingt métérées ou environ
Plus un autre domaine situé en lad. paroisse de TARTARA au territoire du pont de Persey consistant en maison cave grenier étable un moulin batoir et pressoir à huile ou est contigu un jardin, terre, vigne et pré le tout contenant trente métérées ou environ
Plus une vigne et hermiere de la contenue de quinze métérées
Item une vigne au territoire de Tamalette contenant trois hommées ou environ
Plus au territoire de Maleval un pré, terre bois et hermier le tout de la contenue de seize métérées
Et finalement une terre au territoire des Roches contenant six métérées ou environ.
Fait à LION les jours et an susdit pour sevir et valoir aud BRET en terrier et lieu ce que de raison. (1)

(1) Note :
METEREE : d'après le Littré de la Grand Côte : "Mesure agraire équivalente à la bicherée"
BICHEREE : " Etendue de terrain suffisante pour semer un bichet de blé."
BICHET : "Mesure de grains. Dans le Lyonnais, le bichet actuel équivaut à 33 litres."
HOMMEE : "Cette expression ne s'applique qu'à la vigne et non aux céréales. L'hommée de vigne est de 1.000 ceps, et représente environ un tiers de bicherée. Le nom vient de ce qu'un homme peut travailler en une journée".

Tous ces biens, Jean ne les avait certainement pas conservés ou acquis simplement en écrasant des grains pour faire de la farine ou des noix et des graines de chanvre pour faire de l'huile ! D'ailleurs, il semble que c'est son nombreux personnel qui se chargeait de ces tâches. Certes Jean était meunier, mais il était surtout marchand et ses activités commerciales débordait (sans jeu de mot !) les rives du Gier. Ses affaires l'avaient amené à Lyon, ville de la soie et c'est sans doute pour mieux les faire prospérer en s'insérant davantage dans le milieu des marchands lyonnais, classe dominante à l'époque, que Jean demande pour lui et son fils aîné Philippe (1693-1722), d'être reçu bourgeois et habitant de cette ville. Notons que Jean avait déjà un frère à Lyon : Pierre BRET marié à Françoise FILLON et qui était, selon les actes de Tartaras où il est question de lui, Satinaire, marchand guimpier, ou encore marchand en drap de soie…

Aux ARCHIVES DE LA VILLE DE LYON
BB 444 folio 199 15/07/1718 (bobine 185)

Du vendredi quinze juillet mil sept cent dix huit après midy en l'hotel commun de la ville de LION y étant sont comparus aux consulat Sr Jean BRET et Philippe BRET son fils habitants de la paroisse de TARTARA en Lyonnois. Led Philippe BRET procédant de l'autorité dud Jean BRET son père à l'effet de … lesquels ont dit et déclaré que depuis quelques temps ils ont établis leur domicile en la ville de LION où ils désirent de continuer cy après leur habitation et résidence actuelle être sujet au guet et garde faire leur fonction et supporter leur part des… charges auxquelles les véritables habitants de lad. ville sont obligés pour jouir des privilèges et exemptions à eux accordé par loy royale Laquelle déclaration ils ont fait publier à l'yssue de la messe paroissiale dudit TARTARA où les biens du dit BRET père sont situés célébrée le dimanche 6 juillet de l'année ci dessus et signifiée le même jour par exploit de GUILLERMET huissier royal de laquelle ils ont demandé acte au consulat l'ont supplié de vouloir les recevoir habitants de la dite ville et ordonné qu'ils seront inscrits au livre des nommés tenu en l'hotel commun comme aussi que le dénombrement des fonds dud Jean BRET sera enregistré au livre des dénombrements des fonds de ladite ville sur quoy Sieurs Prévot des marchands et Echevins ont octroyé acte audits père et fils BRET de leur dire et déclaration, les ont reçus habitants de ladite ville, à la charge de faire leur habitation en cette ville pendant sept mois dans l'année au moins et d'en justifier avant que de pouvoir jouir des privilèges des bourgeois de LION ordonné en outre que le dénombrement des fonds de BRET père sera enregistré au livre tenu à cet effet; ensuite de quoy ils ont fait et prété serment de vivre et mourir en la religion catholique apostolique et romaine, se comportant en bon citoyen et d'avertir le consulat de tout ce qu'ils apprendront import… au service du Roy, bien et repos de ladite ville dont a été fait le présent acte pour servir et valoir aux dits BRET père et fils en terme et lieu ce qui de raison. Déclaration.

Cette demande impliquait que Jean réside plus de la moitié de l'année dans la ville et que devait-il devait faire, en passant au moins sept mois par an à Lyon, sinon des affaires ?

Par cette accession au monde des bourgeois, Jean pouvait jouir du privilège d'être exempté de la taille, principale contribution directe, et cela n'était pas négligeable : Il semble bien que les "niches fiscales" soient aussi vieilles que les impôts !

En contrepartie, comme tous les bourgeois de Lyon, Jean BRET et son fils devront participer à la sécurité de la ville… "être sujets au guet et garde" et pour cela s'équiper à leurs frais. Mais être bourgeois de Lyon était aussi un honneur. Le véritable pouvoir était alors entre les mains de ces hommes qui faisaient la richesse de la ville et c'est dans leurs rangs que se recrutaient le Prévôt des marchands et les échevins, nous dirions aujourd'hui le Maire et les conseillers municipaux, qui ensemble formaient le Consulat. Aussi les bourgeois occupaient-ils une place d'honneur dans les fêtes de la ville.

Gageons que ce n'est donc pas sans une certaine fierté que Jean BRET entendit, à l'issue de la messe paroissiale du dimanche 6 juillet 1718, devant tous les paroissiens rassemblés, la déclaration selon laquelle le Consulat de Lyon, l' avait reçu comme Bourgeois de cette grande ville. Mais ce jour-là, certains habitants de Tartaras réalisèrent, peut-être aussi, qu'ils devraient, à l'avenir (sauf erreur de ma part), cotiser davantage à la taille, afin de compenser ce que Jean BRET ne verserait plus ! question d'assiette fiscale…

Philippe, le fils héritier, mourut le 2 octobre 1722, il n'avait que 28 ans. C'est alors le troisième fils, Laurent, qui devint l'héritier. Le second fils, Estienne, né en 1699, était peut-être mort enfant… Laurent peu de temps avant la mort de son père demanda, à son tour, d'être reçu bourgeois de Lyon :

Aux ARCHIVES DE LA VILLE DE LYON :
BB 445 folio 104 14 juin 1731 (bobine 186)

Du jeudy quatorzième juin mil sept cent trente un après midy en l'hotel commun de la ville de Lyon y étant, est comparu au consulat Sr Laurent BRET natif de la paroisse de TARTARAS autorisé par justice de Sieur Jean BRET son père par ordonnance de M. CHARRIN lieutenant particulier en la Sen. et présidial de LYON du vingt unième octobre mil sept cent trente et procédant en tant que de besoin de sond. père lequel BRET fils a dit et déclaré que depuis plusieurs années il a établi son domicile en la ville de LYON où il désire de continuer ci après son habitation et résidence actuelles, être sujet au guet et garde faire les fonctions et supporter sa part des autres charges auxquelles sont obligés les véritables habitants de lad ville pour jouir des privilèges et exemptions accordés par loy royale laquelle déclaration le dit BRET a fait publier à l'yssue de la messe paroissiale dud TARTARAS célébrée le dimanche dixième du présent mois et signifiée au consulat et habitants dud lieu, déclarant aussi BRET fils qu'il possède quant à présent aucun bien dans la province du Lyonnois Forest et Beaujolais desquelles déclarations il a demandé acte au consulat le supplie de vouloir le recevoir habitant de lad ville et ordonne qu'il sera enregistré au livre des nommés des habitants tenu en l'hotel commun, surquoy le consulat ayant vu le susdit acte duement publié et signifié lesdits prévot des marchand et échevins ont octroyé acte audit BRET fils de ses dires et déclarations, l'ont reçu habitant de lad ville à la charge d'y faire son habitation et résidence actuelles pendant sept mois de l'année au moins et d'en justifier avant que de pouvoir jouir des privilèges des bourgeois de LYON ensuite de quoy il a fait et prété le serment de vivre et mourir dans la religion catholique apostolique et romaine, se comporter en bon citoyen d'en faire les fonctions et d'avertir le consulat de tout ce qu'il apprendra import.. au service du Roy, bien et repos de lad ville Dont a été fait le présent acte pour servir et valoir aud Sr BRET fils en tenu et lieu de ce que raison et ont les dits père et fils signé.

Dans les actes où il est nommé, Laurent est alors dit : "garde des ports ponts et passages de la ville de Lyon". S'il occupe à son tour le moulin Glatard, son domaine, dont il est dit marchand, à Lyon il est Maître ouvrier en soie et marchand satinaire…

Le désir de conforter la respectabilité et la notabilité de sa personne et de sa famille est un aspect de la personnalité de Jean BRET, le patriarche, qui ne semble pas faire de doute.

Nous savons qu'il n' hésitait pas à rechercher, pour certains de ses enfants, un parrainage prestigieux, comme ceux de Messire Jean PAYOT seigneur de Soucieu, conseiller du roi et trésorier de France, de Demoiselle Charlotte DUPRÉ, fille de feu Noble jacques Seigneur du SOLEIL, ou encore de Messire Pompone de Riverie, Chevalier de St Jean de Touslas, la Mouchonnière, St Romain en Gier et Echalas, et de Dame Claudine ROMANS femme de Michel de RIVOYRE Chevalier.

Faisant partie des notables, Jean BRET et Jeanne LAURENSON eurent aussi le soin d'établir leurs enfants dans une position digne de leur rang.

Ainsi, ils en marieront trois avec des BROSSY, riches familles de marchand de St Paul en Jarest.

Leur fille Philippa épousa en 1723 Jean Baptiste BROSSY, marchand "au lieu du moulin d'Ampierre" (Dampierre):

BROSSY Jean Baptiste - BRET Philippa MARIAGE 08/02/1723 TARTARAS
Jean Baptiste BROSSY fils de défunts Antoine BROSSY et de Claudine GROS ses père et mère de la paroisse de St PAUL en JAREST époux avenir et Philippa BRET fille de Sieur Jean BRET ancien officier de Madame la duchesse de Berry et de Jeanne LAURENSON ses père et mère épouse avenir d'autre part ayant été proclamés trois fois ai recu les remises de leur curé en date du septième février signé MORIER curé de St PAUL EN JAREST et RIVAL vicaire de St Vincent de LYON et la commission ennoncée d'épouser par devant moi n'ayant découvert aucun empechement canonique ont recu la bénédiction nuptiale et ont esté unis par le sacrement de mariage en face de l'Eglise par moy curé soussigné de l'église de la paroisse de St Pierre de TARTARAS ce jour d'hui hutieme février mil sept cent vingt trois en présence de Sieur Jean BRET père de la dite épouse et de sieur Antoine BROSSY frère dudit époux et de Philippe PRIVAS et de Jean François BUREL témoins qui ont signé avec lesd époux et épouse.
(Photo 400)

Leur fils Laurent épousa en 1734 Jeanne-Marie BROSSY fille de Jean Antoine, marchand du Reclus et frère de Jean Baptiste :

BRET Laurent – BROSSI Jeanne Marie MARIAGE St Paul en Jarez 26/01/1734
Laurent BRET fils de feu Jean BRET et de Jeanne LAURENSON habitant de cette paroisse et Jeanne Marie BROSSI fille de feu Jean Antoine BROSSY et de vivante Benoite BONARD habitants de la paroisse de St PAUL en JAREST ont receu la bénédiction nuptiale dans l’église paroissiale de TARTARAS par moy ptre commis soussigné le vingt six janvier mil sept cent trente quatre après avoir receu la remise de Mre BRACHET curé de St PAUL en datte du 25° janvier 1734 et n’ayant découvert aucun empechement ny receu opposition présents les soussignés
(Photo 495)

Et leur fille Marguerite épousa en 1738 Antoine BROSSY, frère de la précédente. C'est ainsi que Laurent et Marguerite devinrent, en quelque sorte, neveux par alliance de leur sœur Philippa ! :

BROSSY Antoine x BRET Marguerite MARIAGE 03/06/1738 ST PAUL EN JAREST
L’an mille sept cent trente huit et le troisième de juin avant midy je soussigné curé ay donné la bénédiction nuptiale dans l’église paroissiale de St PAUL en JAREST à Antoine BROSSY marchand dud lieu et de vivante Benoîte BONNARD cy présente et à Marguerite BRET fille légitime de feu Jean BRET de son vivant officier de feu Madame la duchesse de BERRY demeurant au lieu des moulins Liotard paroisse de TARTARAS et de défunte Jeanne LAURENÇON lesquels époux et épouse procédant de l’authorité de qui de droit comme il appert par le contrat de mariage receu par Me LAFAYE notaire aud lieu de St PAUL ont été publiés duement tant aud St PAUL qu’aud TARTARAS sans qu’il soit intervenu aucun empêchement comme il appert par la remise dud Sr curé de TARTARAS en date du même jour troisième de juin signé AUGNIER curé, et toutes les autres cérémonies de l’église ayant été duement observées en présence de Sr Laurent BRET frère de lad épouse de Jean BROSSY oncle dud époux d’Etienne FONT son beau frère du lieu de la Briassere ? paroisse de St JULLIEN EN JAREST et d’autre Jean Baptiste BROSSY frère dud époux lesquels ont signé avec les parties.

Quant à leur fille Pierrette, elle avait épousé en 1713, Charles BOIRON, lui-même marchand et fils de marchand du lieu de Journoud à St Maurice sur Dargoire :

BOIRON Charles – BRET Pierrette 24/01/1713 TARTARAS
Le vingt quatre janvier mil sept cent treize par moy curé soussigné et en présence des thémoins après signés ont recu la bénédiction nuptialle honnête Charles BOIRON fils de defunts Estienne BOIRON et Dame Jeanne PIPON marchands du lieu de Journoud paroisse de St MAURICE sur DARGOIRE le dit BOIRON ayant ayant reçu sa remise dattée du vingt deux dudit mois et an signée ? curé et à Pierrette BRET fille à Sr Jean BRET et à honnette Jeanne LAURENSON marchands des moulins Lyotard tous duement proclamés dans nos prosnes les ss jours de dimanche ou festes de laditte année le tout en présence des signés avec l’époux et épouse.
(Photo 335)

Leur fils Philippe avait épousé en 1717, Colette DURAND, fille de Estienne et Philippa BOIRON, eux aussi marchands de St Maurice sur Dargoire :

BRET Philippe – DURAND Colette 21/06/1717 Remise
Le 21 juin 1717 je soussigné prestre et curé de Tartaras donna sa remise à Philippe BRET fils à Jean et a Jeanne LANRENSON marchands des molains Liatard pour recevoir la bénédiction nuptialle avec Colette DURAND fille a Estienne DURAND et a Philippe BOIRON marchands de St Maurice sur Dargoire lesdits BRET et DURAND ayant esté bien canoniquement proclamés.
FERRY Curé.
(Photo 364)

Sur cinq mariages, nous en avons donc cinq avec des marchands ou enfants de marchands : on ne peut pas dire qu' à l'époque les "catégories socio-professionnelles", comme on dit maintenant, se mélangeaient beaucoup !

Enemond, le huitième enfant, devint prêtre et fit ses débuts comme vicaire de Dargoire… et être prêtre, à l'époque, ce n'était, socialement parlant, pas si mal ! Ainsi beaucoup de familles aisées cherchaient à établir l'un de leurs fils, sinon dans la prêtrise, au moins dans le clergé par la réception des ordres mineurs, nous en reparlerons quand nous évoquerons Charles BOSSUT…

Il semble aussi que Jean BRET et Jeanne LAURENSON fussent assez introduits dans le milieu ecclésiastique lyonnais, comme le montrent certains actes de baptême de leurs enfants. On peut y relever en effet la présence de Messire Antoine DUPRÉ prêtre chevalier de l'Eglise de Lyon ou de Messire Estienne ROY, prêtre habitué à St Paul de Lyon.

Mais ne croyons pas que la piété religieuse était, pour autant, absente chez Jean et Jeanne ! Quand Jean et Jeanne firent construire une chapelle dans l'église de Tartaras et y placèrent leur tombeau, ils voulaient, sans aucun doute, affirmer et leur foi chrétienne et leur rang social.

Toujours au sujet des honneurs, vous avez sûrement remarqué en lisant les actes qui précèdent, que Jean se disait "officier" ou "ancien officier" de "Madame la Duchesse de Berry" ou de "Madame, fille de France, duchesse de Berry".

Ce titre nous a, Dominique et moi, longtemps intrigué. Nous avions trouvé qu'il devait s'agir avec cette Duchesse, vu l'époque, de Marie Louise Elizabeth d' Orléans (née à St Cloud en l695 et morte à Meudon en 1719), fille aînée de Philippe II Duc d'Orléans (Le Régent), épouse en 1710 de Charles de France, duc de Berry (Versailles 1686 - Marly 1714), fils de Louis de France, le grand Dauphin et petit-fils de Louis XIV… mais il apparaissait que cette Dame n'eut jamais de terres ni d' accointance avec notre vallée, aussi célèbre soit ce lieu ! Si énigme il y avait, sa solution était en fait beaucoup plus simple qu'il ne paraissait : Jean BRET avait acheté ce titre qui ne correspondait à rien sinon à quelque honneur pour lui et surtout à quelques écus pour les caisses toujours trop vides de la royauté ! Je remercie Monsieur Henri HOURS, éminent archiviste et historien de Lyon, de m'avoir mis sur cette voie.

Louis XIV qui régna de 1643 à 1715, fut certainement un grand roi, mais aussi un grand maître dans l'art de flatter la vanité de ses sujets quand il pensait en tirer quelque chose. Notre bon Jean LA FONTAINE ne faisait-il pas dire au renard "Mon bon monsieur, apprenez que tout flatteur vit au dépens de celui qui l'écoute" ?… Or ce grand roi avait aussi instauré la possibilité, voire l'obligation, pour tout roturier fortuné de se fabriquer, moyennant argent, un blason, et Louis XV avait sans doute gardé cette coutume qui ne faisait pas de mal aux finances de l'état royal.

Jean BRET qui connut les deux règnes, ne manqua donc pas, comme beaucoup de ses contemporains plus ou moins parvenus, de faire enregistrer, dans l'armorial général, un blason que nous trouvons aussi sur la pierre tombale : un arbre surmontant, en pointe, un croissant de lune et entouré, en chef, de deux étoiles… hélas nous n'en connaissons pas les couleurs ! La lune et les étoiles parlent d'elles-mêmes, quant au choix d'un arbre, il n'est certainement pas anodin ! Jean, descendant peut-être par le nom d'un de ces lointains soudards bretons venu guerroyer dans la région, ne voulait-il pas manifester ainsi l'enracinement profond de sa famille, la puissance du tronc de sa généalogie et la vitalité de ses branches avenir ?

Entrepreneur, "bon chrétien et catholique" sans doute généreux, ne méprisant pas les honneurs, Jean BRET fut peut-être surtout un homme d'affaire qui a bien réussi. Notre ami Benoît Faure Jarrosson que je remercie, nous en a apporté une preuve supplémentaire par un texte de "subrogation" de trois pages qui montre que le notaire Guillaume JARROSSON (ancêtre de Benoît) s'était associé à Jean BRET pour reprendre la "ferme" de la rente noble de Gayant appartenant aux Dames religieuses de Condrieu. En effet l'ancien "fermier", un certain MAUVERNAY bourgeois de Lyon, ne pouvait plus s'acquitter des sommes qu'il avait promis de verser aux religieuses puisqu' il est question d'arrérages… Il s'agissait pour le "fermier" de s'acquitter, annuellement envers un propriétaire, d'une somme, fixée par contrat, correspondant au rendement supposé d'une terre, charge au "fermier" de recueillir le rendement réel, si possible supérieur à la somme versée auparavant… Cette "prise de bénéfice" pouvait être substantielle, mais pouvait aussi ne pas être au rendez-vous en cas de mauvaises récoltes, provoquant alors la ruine, voire la poursuite du "fermier".

Maître JARROSSON, en notaire avisé, devait préférer ne pas courir le risque tout seul et penser que l'aisance de BRET était une bonne assurance , dans leur association… Quant à Jean BRET, il devait être toujours prêt à risquer une bonne opération !

Après une vie bien remplie, Jean BRET quitta sa Jeanne, le moulin Glatard et son quartier de Lyon. Ce quartier était-il Saint Vincent ? Saint Paul ? je ne l'ai pas encore trouvé… La date de sa mort, comme celle de sa naissance nous échappe et pourtant ce fut un personnage bien réel !

Au mariage de son fils Laurent, le 26 janvier 1734, Jean est dit "feu" et quatre ans auparavant, il était encore parrain et Jeanne sa femme, marraine le premier septembre 1729, au baptême de Pernette BINACHON, fille d'un laboureur et vigneron du Bourg de Dargoire… Nous sommes donc réduits à situer la mort de Jean BRET entre ces deux date et à rester sur des interrogations :

Est-il mort à Tartaras et l'acte de décès aurait disparu ?
Est-il mort à Lyon ? Il serait étonnant cependant que les registres de Tartaras ne fassent pas écho au décès d'un homme important de la paroisse…

Autre hypothèse plus romanesque : Jean BRET aurait-il disparu dans un naufrage ?
Dans les registres de Bans-Givors on peut lire la note suivante :

Nota- Ce jour d'hui, 8ème aoust 1733, un nauffrage arriva d'une barquette de Givors, où périrent un nombre considérable de gens de la paroisse et des environs contre les moulins de la Quarantaine. A subita et imrpovisa morte libera eos.

On enterra plus de dix noyés retrouvés sur les rives des différentes paroisses longeant le Rhône et certains corps ne furent sans doute jamais retrouvés : On a parlé de 80 victimes pour ce naufrage de deux bateaux…
Au cimetière de Saint Sornin près de Serrières on enterra Claudine BRET qui n'était autre que la sœur de notre Jean :

Le 8 août 1733, il se perdit deux bateaux de Givors aux Moulins des Etroits ou plus de 80 personnes se noyèrent, on pris trois filles ou femmes vers les Roches, dont une avait un scapulaire et une croix d'or a été enterrée au cimetière neuf de Saint-Sornin + on l'a reconnu pour se nommer Claudine Bret veuve de François Cholet du Bourg d'Argoire paroisse de Tartara en Lyonnais près Givors, ses habits mis aussi et […] par Le Sage curé.
Et les deux qui n'avaient aucune marque de chrétien catholique furent enterrées au bord du cimetière par les ordres de messieurs les officiers, dieu leur ay fait miséricorde.

Alors Jean BRET faisait-il aussi partie de ce dernier voyage ? Nous laisserons le dernier mot au… silence et au mystère bien gardé sous la pierre tombale de l'église de Tartaras ! (2)

Les moulins Glatard et du Pont de Perseÿ passèrent aux héritiers BRET successifs jusqu'au moment où ils abandonnèrent définitivement leurs racines tartarinaires pour la ville qui les avait toujours attirés…

Laurent (le magnifique !) mourut au moulin Glatard le 30 décembre 1789 à l'âge de 82 ans. Veuf de Jeanne Marie BROSSY, il était y alors "marchand", mais il avait été aussi et en même temps maître ouvrier en soie de Lyon…

Jean, fils du précédent, mourut à environ 44 ans, au moulin de Perseÿ, le 16 janvier 1781. Il était dit alors marchand aux moulins du Pont de Perseÿ, il avait été aussi ouvrier en soie…

Nous avons l'inventaire après décès établi à sa mort. (3)

Jean-Baptiste, un autre fils de Laurent, marchand chez Glatard et fabricant en étoffe de soie de Lyon mourut le 18 avril 1805, il avait 68 ans.

Jean, fils de Jean et petit-fils de Laurent mourut le 18 août 1836 âgé de 68 ans, il était cultivateur et aubergiste sur le canal au Pont de Persey .

Aujourd'hui que reste-t-il de tous ces lieux ?
Le nom même du lieu du Pont de Perseÿ semble avoir été oublié…
Le moulin Glatard a perdu son architecture d'antan, seul un pilier blasonné subsiste sur la façade vulgairement cimentée d'un bâtiment défiguré qui ne sait plus rien dire du passé…
Mais le Gier, comme le temps inexorable, coule toujours à ses pieds…
Interrogeant ces lieux, il me semblait entendre, dans le murmure du vent et de la rivière, comme la conclusion d'un sermon de Messire AUQUIER :
"Sic transit gloriam mundi…",
"Ainsi passe la gloire du monde…" Amen !



NOTES :

(1) Dominique descend de deux enfants de Jean Bret : Pierrette, épouse de Charles BOIRON, et Philippa, épouse de Jean-Baptiste BROSSY.

(2) Inscription de la pierre tombale dans l'Eglise St Pierre de Tartaras :

JEAN BRET MARCHAND
ET JEANNE
LAURENSON
SA FEMME
ONT FAIT CONSTRUIRE
LA CHAPELLE L'AN 1712
CEUX QUI VIENDRONT
S'Y PLASSER VOUS DIRONT
REQUIESCANT IN PACE

(3) Voir A-D 69 : 2 B 127.

Marc ROCHET