TARTARAS
D'après les actes paroissiaux 1673-1792

 

III. Les gens de Tartaras et leurs métiers à travers les actes. :

3. Les notables.

Nous allons ranger ici les gens qui, du fait de leur position, de leur savoir ou de leurs biens, occupaient le haut de l'échelle sociale. Ce sont principalement les curés successifs, les notaires et officiers divers, mais aussi les possesseurs de domaine et les riches meuniers sur lesquels nous ne reviendrons pas, puisque nous les avons déjà évoqués…

  • Les curés de Tartaras.

    Il faut leur donner la place qu'ils méritent puisqu'ils sont les auteurs des principales sources pour nos généalogies, avant la Révolution !

    Et puis, sous l'ancien régime, la place et le rôle du Curé étaient considérables. L'ensemble des paroissiens, sauf dans les régions du protestantisme souvent persécuté, était catholique et pratiquant. En civilisation de chrétienté, le catholicisme étant religion d'état, nul ne peut échapper à l'emprise de l'Eglise ! Le pouvoir du curé sur les consciences était garant de la pratique et des bonnes mœurs de ses ouailles (1).

    Les cloches de l'église appelaient à la prière de l'angélus trois fois par jour, rythmaient le travail des jours, appelaient à l' aide pour les incendies et prévenaient des dangers (2), associaient les paroissiens aux joies des baptêmes et des mariages et au deuil des funérailles (3), appelaient surtout au rassemblement obligatoire du dimanche.

    Au cours de la messe dominicale, le curé prononçait le "prône" (4), ce qui était très différent de l' "homélie" d'aujourd'hui actualisant les texte liturgiques, et même assez différent des "sermons" de notre jeunesse, quoique ressemblant davantage à ceux-ci.

    C'était le moment de la messe où le prédicateur, en l'occurrence le curé, instruisait les fidèles des "mystères" de la religion, des "vérités à croire", mais aussi, et peut être surtout, des "devoirs à accomplir" et des "péchés à ne pas commettre". C'est au prône aussi, qu'étaient publiés les mariages, faites les diverses annonces et données les intentions de prière…

    Le curé était donc le véritable chef de la communauté paroissiale. Le rassemblement dominical qu'il présidait était le temps fort de la vie de la communauté rurale et donnait lieu, aussi, à l'annonce des lois et décisions royales et à la répartition des impôts, principalement de la taille, entre les différents feux de la paroisse.

    Ce n'était pas pour rien que les églises étaient au centre des villages ou des quartiers urbains. Certes le pouvoir plus que spirituel du curé et surtout la "dîme", même si elle allait principalement au détenteur du "bénéfice" qui n'était pas forcément le curé local, purent nourrir un anticléricalisme larvé qui s'exprimera ça et là et avec violence lors de la Révolution. Mais, sous l'ancien régime, l'autorité du curé semble bien incontestable et incontestée.

    Les actes de Tartaras, jusqu'en 1792, indiquent six curés.

    La signature des actes des cinq premières pages, soit jusqu'au 12 février 1675, est assez illisible : VEYRUNE…?

    A partir du 7 mars 1675 et jusqu'au 28 juin 1701 Messire Jean BARREYRE signe les actes en tant que curé, puis il dut se retirer dans une chapelle du Bourg de Dargoire où il mourut à 76 ans le 17 janvier 1705.


    Le dix sept janvier mil sept cent cinq sur les onze heures du matin décéda Messire Jean BARREIRE prêtre… de notre Dame… sise au Bourg de Dargoire paroisse de Tartaras et cy devant curé dudit Tartaras après avoir reçu tous les sacrements nécessaires a salut et donné toutes les marques de pénitence et contrition… et fut enterré dans le cœur (sic) de l'église dudit lieu le dix huit du même mois et an que dessus en présence des soubs signés. Le dit messire BARREIRE aagé d'environ septante six ans.
    (voir Photo geneagier : 279)

    Ensuite du 7 août 1701 et jusqu'au 15 septembre 1718 les actes sont signés par Messire François FERRY qui meurt, assez rapidement semble-t-il, le 23 septembre 1718 à 60 ans.


    Le vingt quatrième septembre mil sept cent dix huit Messire François FERRY prêtre curé de Tartaras a été inhumé dans le cœur (sic) de l'église dudit tartaras décédé le jour précédent agé d'environ soixante ans en présence des soussignés par moy Mathieu DEVAUZELLES curé d'Echallas. DEVAUZELLES curé de Echallas BLANCHON curé de Dargoire JARROSSON COURBON
    (voir Photo geneagier : 368)

    C'est pendant sa présence à Tartaras qu' eut lieu la bénédiction de l'église de Tartaras, probablement après des réparations :

    Bénédiction du sanctuaire de l’église de Tartaras. Le dix septième avril mil sept cent quinze nous Pierre CHARETIER docteur en droit et curé de Rive de Gier et Chateauneuf, en suite de la commission à nous donnée par Monseigneur l’archevêque de Lyon en datte du treize avril 1715 signé l’archevêque de Lyon pour bénir le sanctuaire de l’église de Tartaras, laquelle commission ayant accepté avec ferveur et respect nous avons procédé a ladite bénédiction selon la forme prescrite dans le rituel de ce diocèse que nous avons observée de point en point en présence de Messires François FERRY curé de ladite église et Pierre MUNIER vicaire de Dargoire de Benoit JARRIN, de Jacques GROS, Floris BINACHON, Jean RIVOIRE, François DURAND qui ont signé et autres habitants dudit Tartaras. FERRY curé MUNIER ptre JARRIN Philippe PRIVAS F BUNACHON Jean RIVOYRE JARROSSON Jacques GROS CHARETIER curé de Rive de Gier.
    (Photo geneagier : 348-349)

    Le 22 octobre 1718, nous avons la signature de FAURE PAUREL curé, qui par la suite ne signera que PAUREL jusqu' au dernier acte de sa main, le 25 avril 1736. Il quitta Tartaras sans doute pour laisser la place à son successeur qui avait reçu ce bénéfice, car par un inventaire après décès nous apprenons qu' il mourut 15 ans plus tard, en 1751, rue de la Vielle Monnaie à Lyon et, en outre, qu'il était originaire du diocèse de Gap. (5)

    Avec l'acte du 28 juillet 1736, apparaît Messire AUQUIER dont l'acte de décès du 19 août 1792 nous apprendra qu'il se prénommait Balthazard. Il mourut à 82 ans et en 1787 il avait laissé son bénéfice à son neveu.

    Le dix neuf aout mil sept cent quatre vingt douze, Mre Baltasard AUQUIER qui en 1787 m'a résigné le bénéfice cure de Tartaras, curé de cette paroisse depuis 1736, étant allé voir depuis peu de jours Ma. MARALIEU sa sœur dans sa maison de campagne à Prarouai paroisse de Tarentaize, y est décédé âgé de quatre vingt deux ans dans le sein de l'Eglise catholique, apostolique et romaine et dans la soumission due au chef visible de l'Eglise et à tous ses supérieurs ecclésiastiques légitimes. signé : AUQUIER curé de Tartaras.
    (Photo geneagier : 437)

    En effet depuis le 5 août 1788 et jusqu'au 15 avril 1791, toujours actif, il signera AUQUIER, "ancien curé de Tartaras". Il fut donc présent au moins 56 ans à Tartaras et cela justifie assez que l'on s' arrête un peu plus longuement sur ce personnage. C'est à mon avis le grand curé de l' époque que nous étudions, en tout cas celui qui exerça le plus longtemps.

    Par le mariage de sa sœur, Anne Marguerite, avec Pierre MACABEO, bourgeois de Tarentaise et Marchand de la ville de Lyon, rue du Bas d'Argent, le 22 novembre 1757 à Tartaras, nous apprenons que Messire AUQUIER est le fils d'un marchand de la ville de Sisteron en Provence. Et par le mariage de sa nièce, Jeanne AUQUIER avec Pierre SAUZION le 19 mai 1772 toujours à Tartaras, nous apprenons encore que le père de l'épouse, Jean, frère de Messire AUQUIER, est aussi négociant à Sisteron. Il s'agit certainement d'une famille aisée.

    Messire AUQUIER est donc originaire du diocèse de Sisteron alors que son prédécesseur était du diocèse de Gap et j'avoue ne pas avoir l'explication de ces origines. Etait-ce parce que l'Abbaye de l'Ile Barbe dont dépendait le prieuré de Tartaras, avait aussi des possessions dans ces villes ? (6) Etait-ce par le jeu de la transmission des bénéfices qu'étaient alors les cures ? La réponse est bien difficile à donner, mais ce qui est sûr c'est que Messire AUQUIER attira une grande partie de sa famille dans notre région comme le montrent les actes de mariages cités et son propre acte de décès qui nous apprend qu'il mourut à Tarentaise (Loire) dans la maison de campagne de sa sœur Madame MARALIEU. Deux de ses neveux apparaissent aussi au mariage de leur sœur Jeanne il s'agit de Joseph AUQUIER, alors vicaire à Millery et Tyrse Jean Joseph AUQUIER alors étudiant.

    Le premier août 1785, ces neveux assistent tous deux à la célébration du cinquantenaire de prêtrise de leur oncle. Joseph, docteur en théologie, est devenu curé de Mornant, Tyrse Jean Joseph, gradué en théologie, est vicaire à Rive de Gier. En comparant les signatures, nous voyons que c'est ce dernier qui prendra la suite de l'oncle Balthasar à Tartaras.

    Anniversaire de Prêtrise et de Cure cum jure ad rem. Mil sept cent quatre vingt cinq. Le premier août jour de la fête patronale de Tartaras, Me Baltasar AUQUIER curé de cette parroisse y a célébré solennellement l'anniversaire et 2° messe après les cinquante années de prêtrise révolues depuis le 4 juin dernier, la cinquantième de Cure commencée le 26 juillet aussi donnée à compter depuis le jour qu'il y est arrivé pour desservir et occuper le bénéfice cure dudit Tartaras *, comme aussi la cinquantième fête patronale qu'il y a vue complètement; à laquelle messe ont assisté pour prêtre assistant Me BORDERON docteur en théologie curé de St Didier sous Riverie, Mes Joseph AUQUIER aussi docteur curé de Mornant, et Tyrse Jean Joseph AUQUIER gradué vicaire à Rive de Gier ses deux neveux dont le 1er a fait diacre et l'autre sous diacre, et enfin pour le chœur Mes DOUTRE docteur curé de St Maurice sur Dargoire, DELAFAY docteur curé de Rive de Gier, COSTE curé de Dargoire et St Jean a Toulas, DUPRÉ prêtre prébendier à St Andéol; IMBERT prêtre missionnaire de St Lazare audit Mornant, ROBERT vicaire au même bourg, GUILLOT vicaire à Treves, ROURE vicaire audit Dargoire, TISSON vicaire dudit St Maurice qui y a prononcé le discours et GAS vicaire à St Romain en Gier, avec grand concours des habitants de cette parroisse, et autres paroisses voisines. * Cum jure ad rem, et en attendant les provisions en cour de Rome, ou la date était prise en temps (?) des feries (?), et ou elles ne sont pas expédiées. Fait audit Tartaras lesdits jour et an, et ont signé lesdits Messires curés bénéficiers vicaires, et autres ecclésiastiques cy dessus désignés, à mesure qu'ils reparaîtront en ladite parroisse de Tartaras.
    (Photo geneagier : 379)

    Ce texte de l'anniversaire de prêtrise qui est bien intéressant pour qui veut connaître l'ensemble des ecclésiastiques du coin, semble indiquer aussi que Messire AUQUIER reçut le bénéfice de Tartaras quelques jours après son ordination, "jure ad rem" (par le droit vers la chose ?) et il ne quittera ce lieu que par sa mort.

    Ses deux neveux étaient déjà apparus dans de nombreux actes, en tant que témoins et en qualité d'étudiants résidant à Tartaras, l'oncle devait donc veiller à leurs études. C'est aussi très certainement Messire AUQUIER qui dut servir de premier maître au petit Charles BOSSUT. Orphelin né dans une famille paysanne de Murigneux, après avoir poursuivi ses études au grand collège de la Trinité à Lyon et reçu les ordres mineurs, Charles BOSSUT rejoignit Paris et les encyclopédistes et devint un grand mathématicien. (7) Voici la note qui a été rajoutée à son acte de baptême le 12 août 1730, elle semble bien de la main et de l'écriture de Messire Auquier qui devait suivre l'évolution de son ancien élève :

    "L’acte ci-dessus 1er de cette page est celui de messire l’abbé BOSSUT de l’académie royale des sciences demeurant en 1775 rue des Pouties à Paris. Il est administrateur royal des élèves destinés au génie, il était ci-devant professeur royal des mathématiques et du génie à Mézières, et avait obtenu cette charge royale environ l’an 1752. Plusieurs de ses ouvrages ont été couronnés en plusieurs académies et lui avaient mérité les … honneurs de celle de Paris dont il est réellement et actuel depuis quelques années. En 1781 l’abbé BOSSUT (Charles) de l’ académie royale des sciences, honoraire et associé libre de l’académie royale d’architecture, de l’institut de Boulogne, de l’académie impériale des sciences de St Petersbourg, était encore inspecteur général des machines et ouvrages hydrauliques des bâtiments du roi."
    (Photo geneagier : 463)

    Nous reviendrons plus longuement en annexe sur ce personnage passionnant et trop méconnu…

    Messire AUQUIER était certainement quelqu'un de lettré et un bon pédagogue, sa belle écriture le trahit et son orthographe est irréprochable, ce qui n'est pas mon cas ! Mais il m'est apparu aussi comme quelqu'un de rigoureux et précis, intransigeant aussi sur les prérogatives de sa fonction. Dans plusieurs actes, donnant par exemple une permission pour qu' une cérémonie puisse se passer ailleurs, il prend bien soin d'écrire que cela ne saurait être un précédent. J'ai déjà raconté ailleurs sa réaction quand sa paroissienne Catherine DALBEPIERRE épouse NOVALLET envoya furtivement son fils nouveau né à Lyon pour qu'il soit baptisé à Ainay. Mademoiselle DALBEPIERRE a du se faire rappeler à l'ordre et c'est peut-être pour se racheter, qu'une grande cérémonie de relevailles, la seule mentionnée dans les actes, eut lieu quelques temps plus tard pour elle.

    "Le vingt trois janvier mil sept cent cinquante six Delle Catherine DALBEPIERRE bourgeoise de Lyon, épouse de Sieur Philibert André NOVALLET a accouché d'un garçon dans sa maison de campagne située au Bourg de Dargoire paroisse de Tartaras où elle demeure habituellement depuis plusieurs années à raison de son domaine qu'elle y fait valloir sous ses mains et le jourdhuy vingt quatre dud. mois elle l'a fait conduire à Lyon, furtivement par Philippine TAVIAN épouse de Philippe REYNARD voiturier du même Bourg accompagnée de Philibert BONNY cordonnier à Dargoire * pour y être dit-on baptisé dans la parroisse de St Martin d' Eynay, ce qui m'a été d'ailleurs certifié par plusieurs personnes dud. bourg et de Dargoire et nommément par les soussignés Sieur Hector JARROSSON Notaire et Antoine JOURNOUD laboureur de cette parroisse et autres * Lequel a imprudemment ondoyé le garçon sans autre necessité que celle du transport audit Lyon, ainsi que m'en est convenu lad Delle DALBEPIERRE.
    JARROSSON PAYRE JOURNOUD AUQUIER Curé."
    (Photo geneagier : 150)

    "Réception de Delle NOVALET après couches. Le septieme février mil sept cent cinquante six après par elle en avoir été prié, je soussigné curé de Tartaras ay reçu dans la chapelle d'Entrerieu … la paroisse près du bourg de Dargoire, avec les prières et cérémonies marquées dans le rituel, Delle Catherine DALBEPIERRE bourgeoise de Lyon, épouse de sieur Philibert Amédée NOVALLET, laquelle sortait de ses couches qu'elle a faites dans sa maison de campagne située audit bourg où elle demeure habituellement depuis quelques années. Présents à cette cérémonie beaucoup de peuple qui venait y assister à la ste messe et nommément Antoine PAYRE et Simon VALLUIS vignerons de cette paroisse, desquels a signé ledit PAYRE non ledit VALLUIS pour ne sçavoir de ce enquis.
    PAYRE AUQUIER Curé"
    (Photo geneagier : 151)

    Au plan de la rigueur administrative, nous trouvons encore de nombreuses notes de sa main expliquant pourquoi il utilise encore les registres de l'année écoulée pour enregistrer des actes appartenant, en fait à l'année suivante déjà commencée… La lecture de ces notes nous dit quelque chose de la personnalité de Messire AUQUIER :

    1739 Les deux actes de Baptême de Marie ESCOT et de Aimé PALUIS avec les deux actes de mariage entre André VALUIS et Catherine GUICHARDOT et entre Floris PEYRARD et Philippa GAUTELLE se trouvent dans le double de l'année dernière 1738 et non pas dans celuy cy que je n'avais point encore receu de Lyon ou je l'avais envoyé pour y être paraphé.
    (Photo geneagier : 51)

    Le règlement pour les registres, bien suivi par Messire AUQUIER, est rappelé en 1766 :

    1766
    Nous premier président de la cour des monnoyes, et lieutenant général en la Sénéchaussée et présidial de Lyon, avons cotté et paraphé par premier et dernier feuillets le présent registre double contenant quatre feuillets en papier tymbré pour servir pendant l'année prochaine mil sept cent soixante six dans la parroisse de Tartaras a y inscrire les actes de baptême, mariage et sépulture, conformément a l'ordonnance. Enjoignons aux marguilliers et fabriciens de ladite paroisse de nous apporter exactement les registres nouveaux pour être cottés et paraphés dans le mois de Décembre et de les retirer avant le premier janvier, comme aussy de nous apporter dans les quinze premiers jours le registre de l'année précédente certifié par le curé, pour être ledit registre par nous clos et déposé en notre greffe. Enjoignions aux curés de tenir la main a l'execution du présent reglement, à Lyon le vingt trois décembre mil sept cent soixante cinq. PUPIL de MYONS
    (Photo geneagier : 225)

    Mais notre curé souligne à plusieurs reprises que ce règlement ne peut pas toujours être suivi :

    1767
    Nota. Les registres pour l'année présente 1767 remis chez Monsieur le Lieutenant général a Lyon depuis trois semaines, n'ayant pas encore pû être retirés par plusieurs personnes que j'y ai envoyées, parce que mon Sieur le Lieutenant général n'avait pas eu le temps de les parapher, j'ai inséré dans les présents registres de l'année dernière les actes suivans…
    (Photo geneagier : 232)

    1779
    quoique je les aye demandés depuis le milieu du mois dernier, et n'ayant pas pu recevoir les registres paraphés pour la présente année a raison des mauvais chemins et du temps extremement rude qu'il a fait, et faute d'occasion pour Lyon, j'ai été obligé d'inserer les actes suivants faits au commencement de la présente année dans les registres de l'année précédente et à la suite des précédents. A Tartaras cinq janvier mil sept cent soixante et dix neuf. AUQUIER Curé.
    (Photo geneagier : 317)

    N'ayant pû recevoir les présens registres que le sept janvier mil sept cens soixante et dix neuf a raison du mauvais temps qui a empeché de se mettre en chemin pour les aller chercher a Lyon, j'ai été obligé d'insérer dans les registres de l'année précédente 1778 les trois actes suivants, savoir baptistaire de Jean Antoine Vincent du 5 janvier 1779 mariage entre Antoine Lagrange et Antoinette Gautier du 7 suivant mortuaire d'Antoine Peillon dud. jour sept janvier 1779. AUQUIER Curé.
    (Photo geneagier : 319)

    1781
    L'acte, ou les actes cy dessous ont été compris dans le registre de l'année dernière parce que ceux de l'année courante cotés et paraphés a Lyon se trouvent égarés par des enfants après les avoir retirés dud. Lyon paraphés de Mre le Lieutenant particulier faisant les fonctions de Mre le Lieutenant général en son absence, en attendant qu'on aye recouvré les registres égarés, où qu'on aye le tems d'en faire coter et parapher des nouveaux. A Tartaras neuf janvier mil sept cens autre vingt un. AUQUIER Curé.
    (Photo geneagier : 334)
    Ces registres ont du être retrouvés puisque fin février nous les avons, signés du Lieutenant particulier Jacques-Claude RAMBAUD et datés du 29/12/1780.

    1787
    Le premier jour de l'an mil sept cens quatre vingt sept * (n'ayant pas encore reçu les registres destinés pour cette année, quoique demandés depuis plus de quinze jours) Jean*, fils légitime… * Si on expédie l'acte cy dessus, on aura soin de ne pas transcrire ce qui est entre les deux parenthèses Toujours par deffaut d'occasion, et d'avoir reçu les nouveaux registres j'ai encore enregistré l'acte suivant dans ceux de l'année derniere.
    (Photo geneagier : 386)

    Les présents registres n'ayant pas été rendus a tems j'ai été obligé d'inscrire dans ceux de l'année derniere l'acte de baptême de Jean Balas et celui de la sépulture de Jeanne Marie Potin du 4e jour de l'année mil sept cens quatre vingt sept. AUQUIER Curé.
    (Photo geneagier : 388)

    Messire AUQUIER était aussi assez riche ou assez généreux, sans doute les deux, pour pouvoir prêter de l'argent. Ainsi, comme en témoigne un acte daté du 10 février 1788 de Maître LECOURT notaire à St Andéol, il avait prêté de l'argent à Etienne BARBOYON, laboureur de St Romain en Gier et mari de Jeanne JOURNOUD, native de Tartaras. (8)

    Si la plupart des actes sont encore signé AUQUIER, ancien curé, c'est son neveu, Tyrse Jean Joseph AUQUIER qui devint curé de Tartaras en titre vers juillet 1788. Les bénéfices pouvaient se transmettre en famille, sinon de père en fils quand il s'agit de prêtres, au moins d' oncle à neveu !

    En 1792 nous perdons la trace de ce dernier curé dans les registres. Le dernier acte signé de sa main date du 28 août 1792, les autres seront signés "FURNE vicaire", puis en décembre "FURNE curé commis", et les paroissiens sont devenus des "citoyens"…

    Tyrse Jean Joseph avait-il refusé le serment à la constitution civile du clergé et surtout le nouveau serment dit de "liberté, égalité" exigé en 1792 de tout citoyen, et ainsi avait-il été contraint de passer dans la clandestinité comme tous les prêtres réfractaires ?... C'est très probable…. Toujours est-il que les actes communaux de Tartaras renferment, à la date du 11 vendémiaire an X (3/10/1802), l'acte de son décès à 45 ans et le mentionnent comme étant curé (donc actuel) de la paroisse :

    Mairie de Tartaras arrondissement communal de St Etienne du onzième jour du moy de vendémiaire an dix de la République Française acte de décès de Tirce Jean Joseph AUQUIER curé à Tartaras, décédé aujourd'huy à cinq heures du matin agé de quarante cinq ans né à Sisteron département de Basse Alpe. Sur la déclaration à nous faite par le citoyenb Jean Baptiste COUCHOUD et par le citoyen Etienne BLANCHERE tous deux cultivateurs au lieu de Tartaras tous deux plus que majeurs qui ont dit être assurés du décès dudit défunt et ont signé ledit COUCHOUD et non ledit BLANCHERE pour ne savoir le faire. Constaté suivant la loi par moy maire faisant les fgonctions d'officier public de l'état civil soussigné. JBt COUCHOUD Jean VIAL Maire
    (Photo geneagier : 28)

    Les actes de catholicité auraient pu nous dire quand Tirce Jean Joseph a pu regagner Tartaras, mais Georges Pitiot a constaté que ces archives conservées à l' évêché de Saint-Etienne ne débutaient qu'en 1807 pour Tartaras.

    Et le Prieuré ?

    Nous avons vu, en commençant cette étude, que Tartaras avait été au Moyen-Age, le lieu d'un prieuré. De l'activité de ce prieuré, nous n'avons pas de trace dans les actes paroissiaux sinon le 29 août 1683, date à laquelle il est fait simple mention de la mort du vénérable Messire Alexandre PROSE, Prieur de Tartaras, dans sa maison de Champ…(?) et enterré à Ste Croix à Lyon (église paroissiale à côté de la cathédrale) y étant custode, c'est-à-dire chanoine gardien ou chargé de cette paroisse.

    "Vénérable Messire Alexandre PROST Prieur de Tartaras est décédé le 29° aoust dans sa maison de Champvert et fut enterré à Ste Croix à Lyon y estant Custode."
    (Photo geneagier : 96)

    Le Prieur de Tartaras n'était donc pas résidant sur place, son titre n'était-il qu' honorifique ou ce prieuré, à cette époque, n'était-il qu'un bénéfice ? Les actes de Tartaras ne mentionnent cependant aucun nom de gens travaillant sur les terres du prieuré si elles existaient encore… Tartaras dépendant du comté de Lyon dont les chanoines de St Jean étaient les seigneurs, le titre de Prieur de Tartaras était-il alors dévolu au chanoine représentant le Chapitre pour cette paroisse ?

    Sans répondre définitivement à ces questions qui dépassent mes compétences, nous pourrions trouver une ébauche de réponse dans l'histoire de l'Abbaye de l' Île Barbe à partir du XVI° siècle et plus précisément des guerres de religions, que je résume beaucoup : Dès avant la venue du protestantisme très virulent à Lyon, le monastère donnait déjà des signes de décadence. En 1548 l'abbé et ses religieux "impatient de la règle de la maison", écrit Niepce, demandèrent la sécularisation et l'obtinrent l'année suivante du pape Paul III. L'abbaye devenait le 31 août 1551 un chapitre de chanoine. (9)

    Mais voici que dans la nuit du 29 avril 1562, les "religionnaires" (les calvinistes) envahirent Lyon et pillèrent églises et cloîtres et l' Île-Barbe n'échappa pas à la dévastation. Les chanoines qui avaient pu fuir et se réfugier un temps à Montluel, revinrent d'abord camper au Bourg de l' Île avant d'occuper le Château de Vimy (Neuville). Afin de reconstruire une partie des bâtiments, ils aliénèrent des propriétés et des rentes.

    Mais la succession de différents abbés non-résidents et pas toujours désintéressés (il y eut même un enfant !) et surtout des finances catastrophiques conduisirent l'archevêque de Lyon, Claude de Saint-Georges, à obtenir du pape Benoît XIV, en 1741, la suppression du titre de l'Abbaye et la réunion de la "mense" (les biens et les revenus) de l'Île-Barbe à la "mense" du chapitre de St Jean.

    C'est dans ce contexte assez tourmenté que dut évoluer le Prieuré de Tartaras.

    Nous sommes, avec la mort de Messire Alexandre PROST, en 1683, il est donc trop tôt pour considérer que le Prieuré de Tartaras était déjà tombé dans les possessions du Chapitre de Saint-Jean.

    Avec Benoît Faure Jarrosson, nous sommes donc amenés à penser que le titre de Prieur de Tartaras n'était, à l'époque, qu'un titre honorifique voire un bénéfice qui n'exigeait pas de résider dans cette campagne lyonnaise.

    Notons aussi que ce prieuré, sans personnel au XVIIe, était d'un revenu très faible par rapport à d'autres…

    Nous n'en dirons pas plus sur le prieuré de Tartaras puisqu'il n'apparaît qu'une seule fois dans nos actes paroissiaux. On lira cependant la note très intéressante de Benoît Faure-Jarrosson, tant sur le prieuré de Tartaras que sur la personnalité du prieur Alexandre PROST. (10)

    Nous arrêterons ici notre développement sur les curés de Tartaras. (11)

NOTES :

(1) Le mot ouaille vient du verbe ouïr et désigne ceux qui écoutent et suivent les enseignements.

(2) Pour donner l'alarme on "sonnait le tocsin" Le mot "tocsin" qui s'est écrit "touquesain" au XIV°, "tquesain" au XVI° est emprunté à l'ancien provençal "tocasenh", de "tocar" sonner et de "senh" cloche. Désignant le tintement d'une cloche servant à donner l'alarme, le mot est devenu le nom de la cloche elle-même… (Voir Robert historique de la langue française)

(3) Pour annoncer l'agonie, la mort ou la sépulture d'une personne, on sonnait le "glas" et cela se pratique encore dans nos campagnes. Le Robert historique de la langue française nous apprend que ce mot "glas" ou en ancien français "clas" vient du latin populaire "classum" qui signifie "sonnerie de trompette. Désignant toutes sortes de sonnerie, le mot au XII° a d'abord été employé pour la sonnerie de toutes les cloche d'une église avant de se spécialiser pour le tintement d'une clocha particulière…

(4) Le mot "prône", d'après Alain Rey, viendrait du bas latin et du grec et signifierait l'espace devant la porte, puis il a désigné au XII° siècle, une grille séparant le chœur d'une église de la nef, grille où se tenait le prêtre pour s'adresser aux fidèles. Avec le mot "prône" on est donc passé du lieu où il se faisait, à la chose elle-même. Le mot prône au sens d'instruction a subsisté quand le prêtre est monté en "chaire" à la fin du XV° siècle. Le mot chaire, venant du latin "cathedra", désignait, jusque, là le siège ou le trône d'un grand personnage et aussi la chaise élevée d'où parlait le professeur.

(5) AD69 : BP 2187 Inventaire après décès de Jean FAURE-PAUREL 19/10/1751 Prêtre du diocèse de Gap et ancien curé de la paroisse de Tartaras Lyon rue de la Vieille Monnaie. Renseignement aimablement communiqué par Benoît FAURE-JARROSSON.

(6) Voir les possessions de l'abbaye au XII° dans "L' Ile Barbe" de Léopold Niepce, p. 65 et suivantes.

(7) Certains auteurs, dont Gérard Manet, attribuent cette fonction à Messire PAUREL, qu'ils nomment, par suite d'une mauvaise lecture, "Pauvel"… mais, au départ de Messire Paurel en 1736, Charles BOSSUT n'avait que 6 ans…

(8) "Par ailleurs, Jean Claude BARBOYON payera à Balthazar AUQUIER Prêtre à Tartaras 5000 livres. Somme due par son père Etienne BARBOYON". (Relevés effectués par Madame Françoise MICARD que je remercie pour cette information). Comme Etienne BARBOYON et son fils Jean-Claude sont des ancêtres de mon épouse, j'ose espérer que nous ne sommes plus redevables de cette somme !

(9) "Ce fut, on peut le dire, le dernier jour de la grande abbaye de l' Île-Barbe. A partir de ce jour, les moines déposèrent le glorieux habit des Bénédictins pour prendre celui des séculiers. L'abbé renonce à son titre "d' abbé par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique" pour être appelé seulement Abbé-doyen ; il ne fut plus tenu à la résidence, mais autorisé à dépenser son revenu où bon lui semblerait ; les nouveaux chanoines ne furent plus tenus qu'à six mois de présence et des prêtres gagés furent chargés de les suppléer pour les offices." (L.Niepce) (Pour toute cette période voir : "L' Île-Barbe" de Léopold Niepce page 117 et suivantes.)

(10) - le prieuré de Tartaras est connu par un acte de 1240 conservé dans le fonds de l'île Barbe (10 G 3238 aux AD69, édité dans le Cartulaire lyonnais). Il paraît avoir été sous le vocable de Saint-Loup, qui était un des saints patrons du monastère de l'île Barbe. En 10 G 3148, figure la collation du prieuré de Tartaras par l'abbé de l'île Barbe en 1693. En principe, la transmission au chapitre Saint-Jean ne s'en est faite qu'à la fusion de 1741. Le prieuré n'était donc pas confié à un chanoine comte de Saint-Jean. En 10 G 3240, mention de documents tardifs (1672-1749) sur le prieuré. Le faible nombre de documents laisse penser que ce pouvait être au 17e siècle un de ces prieurés sans personnel, voire sans bâtiment, qui ne subsistaient que comme propriétaire de terres ou de revenus. La description de la Généralité de Lyon en 1698 (éd. 1992, p. 110) précise que le revenu annuel est de 100 livres, ce qui est très peu (4000 pour celui de Mornant !). L'Almanach de Lyon de 1787 précise que c'est le prieur qui nomme à la cure de Tartaras. Le lien Gap-île Barbe-Tartaras que vous établissez est donc plausible.

- le prieur. Il s'agit d'Alexandre Prost. Sur l'acte je lis "Champvert" pour le lieu de décès mais il est mort dans son domaine de Grange-Blanche (sa famille se fera appeler Prost de Grange-Blanche). Fils de Jacques, conseiller en la Sénéchaussée de Lyon, issu d'une famille d'échevins de Lyon depuis le XVIe s., il reçoit son premier bénéfice en 1622, chanoine de Saint-Just en 1624, custode de Sainte-Croix en 1636. Beyssac (Les Custodes de Sainte-Croix, 1929, p.41) écrit qu'il a été l'auteur "d'une notice de haute fantaisie sur la fondation du chapitre, notice contre laquelle les chanoines s'inscrivirent en faux". C'était sans doute pour servir ses prétentions à être curé de Sainte-Croix. Bref, ce prêtre attaché aux honneurs a dû recevoir le prieuré de Tartaras comme un titre ronflant voire un revenu plus qu'une invitation à séjourner à la campagne. Le custode est un officier du chapitre de Saint-Jean dévolu à la paroisse Sainte-Croix (église jadis accolée à la primatiale). Il y a une notice sur la famille Prost de Grange-Blanche par Claudius Roux en 1913, qui pourra en donner plus, sans compter l'inévitable fonds Frécon voire le fonds Beyssac. M. d'Ambournay est prieur en 1698 et M. Beatrix en 1787.

(11) La consultation de 1 G 52 aux A-D du Rhône devrait permettre de compléter cette fresque…

Marc ROCHET